conseil administration société air france n°14
Un mois à peine après la
fin du conflit PNT, le conseil AF a examiné
les comptes du troisième trimestre 2014. La présentation des comptes a été rendue
plus complexe : à la comparaison classique avec l'année précédente, s'est
rajoutée la comparaison avec les comptes corrigés de l'effet grève. Au-delà de
la volonté de marquer les esprits sur les conséquences de ce conflit, cet
exposé permettait d'afficher des comptes résultant du plan Transform, dans
lequel la plupart des salariés se sont engagés, et donc tels qu'ils auraient dû être...Il est particulièrement
frappant de voir les répercussions de ce bras de fer de 14 jours. Aux effets
immédiats, inscrits dans les chiffres de ce troisième trimestre, s'en ajouteront
d'autres affectant les comptes annuels, voire au-delà encore, comme une sorte
de «boulet » que l'on va traîner longtemps. Cette situation est d'autant
plus dure qu'elle se trouve à la croisée de deux plans successifs qui, s'ils
n'ont pas la même finalité, demeurent
tous les deux des plans de productivité, d'économies. Aussi doit-on se poser
collectivement la question : comment en est-on arrivés là ? Du moins
comment le dialogue PNT-direction a pu en arriver là ? Il y a peu encore, suite
à chaque menace et dépôt de préavis du syndicat majoritaire, le litige était
soldé, certes tardivement, mais le préavis était levé. Là, chacun a campé sur
sa position et les salariés ont assisté par presse interposée à une véritable
guerre, où le politique a pris le pas bien au-delà d'un désaccord interne dans
le cadre d'une négociation.Nous sommes certainement
arrivés à la limite de l'exercice, d'un
fonctionnement d'un autre temps,
et cette crise profonde, qui nous
concerne tous, doit impérativement trouver un remède. Si toutes les entreprises
sont confrontées, surtout dans une période économique assombrie, à des tensions
internes, ces quinze jours ont été éprouvants et déroutants. Plusieurs conflits
lourds ont déjà émaillé l'entreprise. Qu'attend-t-on alors pour en tirer des
enseignements ? Il existe dans
toute société une politique de gestion des risques (financiers,
juridiques, opérationnels...). Vu les
séquelles engendrées il est temps que le risque social soit pris en compte et évalué
dans toutes ses dimensions et amène une large réflexion sur nos modes de
fonctionnement interne.Car aujourd'hui nous en payons, collectivement, un lourd tribut. COMPTES
TRIMESTRIELS Juillet-Septembre 2014 La présentation
traditionnelle du troisième trimestre est accompagnée de celle concernant les 9
mois d'exercice et constituent les prémices de l'exercice annuel, sachant que
le dernier trimestre est rarement le meilleur.Le
chiffre d'affaires en chute libre a été doublement touché. Grève et concurrence
sévère ont fait flancher les recettes. La surcapacité engendrant un décalage important entre offre et demande,
une guerre des prix s'instaure de fait où Air France est rarement gagnante.
L'Amérique Latine est le secteur le plus affecté. Touchée également l'Amérique
du Nord profite en revanche de l'effet protecteur de la Joint Venture
transatlantique. Le point à point bénéficie de la plus forte progression de la
recette unitaire mais subit la plus
forte baisse de capacité, et ce depuis plusieurs mois. Globalement la RSKO
(Recette au Siège Kilomètre Offert) a baissé de 0.9% sur les 9 mois de l'exercice.Le
cargo a été tout aussi marqué par le conflit, principalement les vols tout
cargo qui ont été « sacrifiés » pour protéger l'activité vol sur le
mois de septembre. Mais jusqu'au mois d'août les résultats se sont améliorés
grâce à la forte baisse des coûts et à une moindre baisse du transport par rapport à l'offre. Les dernières
prévisions mondiales, avancées par IATA, font état d'un rebond de l'activité
fret sur les cinq ans à venir. Doit-on y voir un début de reprise ? Le
fret, véhiculant les échanges de biens donc le commerce, renseigne souvent sur
l'état de l'économie mondiale. Si la prudence doit rester de mise, l'Europe
reste grandement fragilisée, cette croissance
annoncée est toujours bon signe. Les
charges d'exploitation, suite au plan Transform, se réduisent et ce
conformément au budget. Pétrole, frais de personnels sont comme toujours les
deux postes les plus importants (respectivement 24% et 31% rapportés au chiffre
d'affaires) et où les économies sont les plus fortes. L'un se réduit sous
l'effet d'une politique carburant renforcée en interne, de la chute des prix du
baril et du taux de change ; la masse salariale sous les effets
« d'économie » de personnels et de politique salariale
« Transform ». Le
résultat d'exploitation est négatif sur le trimestre et sur les 9 mois. Fruit
du rapport entre charges d'exploitation et chiffres d'affaires, la baisse des
charges n'a pas été suffisante pour compenser celle des recettes. Les deux
métiers passage et cargo accusent une sérieuse baisse et s'éloignent fortement
du budget : -182M? et -110M?. La maintenance, moins touchée sur septembre,
profite toujours de son activité tierce reconnue auprès des compagnies
mondiales. Par entité, le REX d'AF est dans le rouge quand celui de HOP
s'améliore. Transavia est en dessous du trait, les nombreuses ouvertures de
lignes étant peu profitables au démarrage, malgré un très fort taux
d'occupation.Le
résultat net suit la même logique. La vente d'une partie des actions AMADEUS a
permis d'alléger la facture et de rendre le résultat net légèrement positif sur
le troisième trimestre. Mais sur les 9 mois,
tout en s'améliorant nettement en comparaison de 2013, il reste négatif.
Des charges financières, telle que le litige concernant les devises bloquées au
Venezuela, contrebalancent l'effet vente d'actions. La dette a été fortement
réduite mais de façon exceptionnelle : AMADEUS, et produit de la recapitalisation.
Quant à la situation des capitaux propres, elle reste incertaine pour 2015. Amertume, c'est bien le mot
qui qualifie la lecture de ces comptes. Après trois ans d'efforts quotidiens la
sortie du tunnel s'éloigne encore.Au-delà du conflit PNT, de
nombreuses interrogations/ réflexions persistent dans les esprits, d'autant que
tout le monde reste suspendu à la conclusion définitive de l'accord Transavia. Air
France, plus que jamais médiatisée, n'en finit pas de faire parler d'elle.
D'abord, cette grève a mis en lumière les difficultés de tout citoyen à
accepter l'évolution de l'économie, de la mondialisation et ses conséquences
sur les emplois. Puis, plus en interne, les divisions entre personnels associées
à certains départs au sein de la direction ont donné une impression de
vacillement à tous niveaux, de cohésion perdue et d'avenir commun bouché. Le
ressenti de KLM, largement évoqué, et le
départ soudain de son PDG n'ont fait que rajouter de l'inquiétude. Si une
partie peut-être orchestrée, elle souligne bien
un malaise. Les salariés reçoivent ces informations en « pleine
figure » et beaucoup d'entre nous plongent en plein désarroi. L'entrée
dans un nouveau plan s'avère donc compliqué et l'élan que tout projet doit
initier est malmené. Pourtant
l'entreprise véhicule un certain optimisme et veut y croire. C'est son rôle.
Elle souhaite entrainer les salariés autour de Perform par le biais du
« BOTTOM UP », nouveau mot à inscrire dans son glossaire personnel? Ce
principe consiste en une remontée du terrain et prise en compte de
l'opérationnel par une démarche dite participative pour faire évoluer
l'entreprise. Ceci est louable, quoi de plus logique en effet que d'intéresser
les salariés à l'avenir de leur entreprise et de leur donner la parole. Mais le
fruit de ces réflexions/ changements de ne doit pas se retourner contre eux (l'influence
n'est pas toujours bonne conseillère?) et les organisations syndicales, issues
des urnes, restent les acteurs principaux, incontournables de la signature
d'accords, garants du collectif. La
direction devra donc veiller à respecter l'équilibre social de l'entreprise. On
voit bien ces derniers temps sa fragilité mais surtout les dégâts colossaux
qu'il peut générer s'il n'est pas respecté. TRANSPORT AERIENLes turbulences du groupe
AF ont eu au moins un avantage, celui de mettre en avant les difficultés d'un
secteur mis à mal par la concurrence dans une économie mondiale qui oblige à
des évolutions de modèle contestées. Le rapport ABRAHAM, « Les compagnies
européennes sont-elles mortelles ? » sorti en 2013 a déclenché une
réaction salutaire. Décrivant plusieurs scénarios face à un constat sans appel
sur l'état du transport aérien en Europe, il incitait les politiques à se
pencher sérieusement sur le berceau de l'aérien pour lui donner les moyens de
faire face aux concurrents d'autres régions, peu regardant en termes de
loyauté. Les grandes compagnies, LH, IAG, AFKL sont rentrées dans des plans de
rigueur qui, s'ils donnent pour certains satisfaction, se font toujours aux
dépends des salariés, des emplois sans toutefois les mettre sur un pied
d'égalité avec celles du Golfe, d'Asie sans parler des compagnies low-cost. Il
était donc urgent de réagir.Les alertes
des syndicats patronaux (FNAM, SCARA), celles des syndicats représentant les
salariés des différentes compagnies françaises regroupés au sein d'un collectif,
CIS, ont fait bouger les esprits. Un groupe de travail sous la présidence d'un
parlementaire Monsieur Bruno LE ROUX a été mis en place et les conclusions ont
été rendues au Premier Ministre début novembre. Plusieurs pistes sont avancées : Rééquilibrer
les financements au sein de la grande chaine de l'aérien en évitant que
l'acteur principal, la compagnie aérienne, ne soit le plus mal loti en termes
de retour sur investissement ; revoir/repenser certaines taxes et
redevances qui étouffent littéralement les compagnies françaises et incitent
les passagers à déserter nos lignes trop chères ; encourager les
politiques à exiger des règles de concurrence équitables pour tous et à prendre
en compte les difficultés d'un secteur essentiel pour le développement
économique de notre pays, au bénéfice également du marché européen. La récente condamnation
confirmée de RYANAIR pour travail dissimulé, si elle ne clôt pas définitivement
le débat, atteste d'une évolution du législateur face aux pratiques déloyales.
Elle permet surtout de faire prendre conscience que les bénéfices avancés par
certains opérateurs ont souvent comme
origine des contournements de lois et non une merveilleuse et saine gestion
d'entreprises au service de passagers et de régions qu'elles desservent. La
naïveté, l'aveuglement ont peut-être fait leur temps ! Souhaitons maintenant que des actions concrètes voient le jour, et qu'associées aux stratégies
propres aux entreprises, le transport aérien français retrouve de l'oxygène et
puisse enfin se hisser parmi les industries à valoriser dans un pays au
rayonnement touristique reconnu. De nombreux états « utilisent » leurs
compagnies aériennes comme porte drapeau, n'hésitons pas à nous en inspirer. Le
« Made in France » s'exportera d'autant mieux !HOP! POINT A POINT AIR FranceCommandité par la direction
générale pour repenser le moyen-courrier, le rapport « dit » GUERIN a
soumis ses conclusions pour mieux tirer partie des différentes composantes de
ce réseau. TRANSAVIA, dédiée au trafic loisir, ayant fait beaucoup de bruit, il
est important de décliner maintenant l'autre volet concernant le devenir du
moyen-courrier domestique/européen davantage tourné vers la clientèle affaires,
eldorado des compagnies aériennes. HOP et le réseau point à point ont plusieurs
points commun et des différences pouvant se transformer en atouts. Il reste à
conjuguer ces deux aspects tout en clarifiant l'offre tant pour les passagers
que pour les commerciaux. Ce processus doit s'appuyer sur une organisation
simplifiée. L'unicité de commandement sera certes facilitante, une seule
Business Unit, mais les modes de
fonctionnement de chacune des structures risquent de pénaliser l'agilité
souhaitée Trois compagnies sont regroupées sous la bannière de HOP ! Le
point à point AF constitue une entité à part entière.La volonté affichée n'est
pas de copier un modèle low cost mais de maintenir nos parts de marché qui,
tout en restant importante selon les réseaux,
s'érodent au fil du temps. Les low-cost peu implantées sur l'hexagone comparé
à d'autres pays les incitent à développer leur offre. Le covoiturage, de plus
en plus présent, et le train sont des alternatives dangereuses pour notre
activité. Il est donc important d'offrir un produit global répondant aux
attentes des passagers en termes tarifaires, d'offres sol/ vol et de simplicité. La direction précise : ni fusion, ni
absorption, ni modification de contrats de travail n'accompagnent ce projet. Si
cela peut rassurer, l'exercice semble toutefois compliqué. La simplicité et
l'agilité voulues pourront-elles s'imposer avec quatre entités
différentes ?... La crainte présente dans
les esprits concerne bien évidemment l'emploi et compte tenu du contexte,
l'entreprise devra rassurer. Après Transavia, activité sensée capter une
clientèle mais non génératrice d'emplois propres à Air France, refonte du point à point, et développement
encore timide de l'activité long-courrier, les salariés s'inquiètent
légitimement de leur devenir. Avant de penser à une reprise d'activité synonyme
de nouveaux emplois, ce sont les emplois
actuels qui retiennent l'attention de tous. Avec des prévisions encore
revues à la baisse sur la croissance européenne et française, le moral national
reste morose. Au sein du groupe, nous éprouvons le même malaise: nombreux
atouts mais horizon bouché et cohésion malmenée sur fond de résultats en berne. L'entreprise doit
impérativement redonner confiance et espoir, simplifier pour convaincre et
jouer sur l'unité des salariés, tout comme AF et KLM doivent le faire notamment
au sein de la holding. Les destins sont liés et les divisions n'ont jamais mené
très loin. C'est ce que nous attendons
de nos politiques, souhaitons qu'au niveau de l'entreprise nous puissions,
malgré les difficultés, nous sentir diriger sur le bon chemin.Marie
RAMON
Administrateur
PNC, élue.