conseil administration société air france n°15
Le transport aérien est une nouvelle fois
endeuillé. Le drame de la GERMANWINGS
plonge des familles dans la plus profonde douleur.
Nos collègues de la LUFTHANSA sont sous
le choc, comme l'ensemble de la profession.
Cette tragédie dépasse l'entendement tant nous
avons tous du mal à comprendre un tel acte. Depuis 2001, l'aérien est rendu plus fragile malgré
des avancées technologiques indéniables
et le paradoxe est d'autant plus cruel. L'avion
demeure, par les efforts considérables faits en
matière de sécurité, un des transports les plus
sûrs, et pourtant nous assistons à des drames
impensables, car hors du champ technique pur,
avec des avions pris comme cible à des fins suicidaires,
terroristes ou comme aujourd'hui personnels.
Si le risque zéro est utopique, il est
malgré tout impératif de s'en rapprocher
tant techniquement qu'humainement.Malheureusement les catastrophes précèdent
souvent les actions, et il est légitime de croire
que ce terrible accident fera réagir rapidement
les autorités civiles nationales, européennes et
mondiales.Le développement conséquent du transport aérien,
au vu des commandes d'avions, nécessitera
de forts potentiels d'emplois. La formation
des pilotes (533 000 d'ici 20 ans) est déjà
considérée comme un défi planétaire. Difficilement
rentable, cette industrie est soumise à
des recherches d'économies permanentes.
Ainsi, la banalisation de certains métiers à particularités
a tendance à s'imposer. L'intérim,
par exemple et particulièrement dans les compagnies
low-cost, devient une pratique largement
utilisée et les barrières de protection demeurent
faibles. La sécurité demeure la raison d'être d'une
compagnie aérienne, c'est son premier
devoir. C'est une évidence que tous, passagers,
salariés sont en droit de penser ; ceci afin
de retrouver la confiance et qu'un tel drame ne
puisse se renouveler.Comptes trimestriels janvier-mars 2015Présenté à la veille du lancement du nouveau plan PERFORM 2020, les comptes du premier trimestre sont en amélioration à
trimestre comparé mais restent inlassablement marqués par les difficultés. Certaines s'accentuent, comme la baisse de la recette
unitaire, d'autres s'atténuent comme le prix du pétrole mais le change $/? minimise l'effet positif ? La balance recettes/dépenses
en $ induit un manque à gagner de 62 M? pour Air France : 27% de nos recettes sont effectuées dans cette devise contre 40 %
pour les dépenses.
Les pertes s'accumulant, la situation reste extrêmement tendue. Les solutions peu engageantes pour les personnels sont encore
et toujours d'actualité. PERFORM se veut un plan de reconquête et les atouts sont indéniables. Mais les remèdes sont très lourds
et l'acceptabilité incertaine. Il reste à faire preuve d'une extrême pédagogie et d'instaurer la confiance auprès de tous, salariés et
organisations professionnelles. Cela sera certainement l'exercice le plus difficile mais les enjeux sont de taille.Chiffre d'affaires : en légère amélioration au global de 2%
grâce à l'effet favorable de la baisse du $, la recette de l'activité
passage, qui concentre 81 % du chiffre d'affaires, n'augmente
que très légèrement. Elle s'avère même négative si l'on neutralise
l'effet change. Transavia voit son chiffre d'affaires largement
dopé par une offre très étoffée.Le cargo finalise sa restructuration mais souffre toujours. La
recette unitaire chute de 14 %. Seuls deux B.777 constituent
la flotte tout cargo d'Air France et, malgré une période peu propice
au transport de fret, deviennent rentables dès ce trimestre.
Quant aux soutes, le nombre d'avions déployés, à fortes capacités
d'emport, augmente considérablement l'offre mondiale et
fait en toute logique pression sur les tarifs.Les charges d'exploitation sont regardées à la loupe
compte-tenu des circonstances. Le carburant dont la baisse se
poursuit allège la facture mais le fort effet change et les couvertures
minorent l'économie. Le plan carburant, censé alléger la facture
par une moindre consommation, marque le pas, c'est regrettable
tant en termes financier qu'écologique. Les charges de
personnels augmentent. Le PDV pas entièrement comptabilisé
sur ce trimestre permet une partie de l'économie mais les augmentations
au titre du GVT (Glissement, Vieillesse, Technicité)
autrement dit les avancements de classes/échelons pour les
différentes catégories de salariés annulent l'effet des départs
de salariés. La hausse des redevances et taxes est supérieure
à celle de l'activité réalisée, des progrès restent à faire pour
soulager le transport aérien?Le résultat d'exploitation est négatif, comme fréquemment
sur cette période. Chaque réseau du passage s'est amélioré
(LC/MC/PAP) et est même supérieur aux prévisions budgé-
taires. Les données propres à l'entité HOP ! sont incluses dans
les activités passage et ne donnent pas lieu à différentiation.Le résultat net est également négatif mais est en progression
par rapport à 2014. Cependant, l'accumulation
de pertes au fil des trimestres renforce le déficit
et grève les capitaux propres de la société. La trésorerie
dégagée par l'exploitation (CASH FLOW libre d'exploitation)
n'est pas suffisante pour couvrir les investissements nécessaires
tout en allégeant la dette. Seule la vente d'une nouvelle
tranche d'actions AMADEUS en a permis sa diminution. Si personne n'avait la naïveté de croire à une sortie
définitive du tunnel après TRANSFORM, nous étions en droit
de penser qu'une bonne partie du chemin difficile avait été
parcouru. Sans être retournés à la case départ, les effets
TRANSFORM sont bien là et se prolongeront au-delà de 2015,
le nouveau plan PERFORM s'annonce tout aussi laborieux.
L'évolution du cours du pétrole, qui a tant marqué les comptes
des compagnies par la flambée des cours, aurait pu constituer
une aubaine financière. Hélas la baisse de la recette unitaire
affecte particulièrement les compagnies en situation de fragilité.
La baisse des coûts reste ainsi le leitmotiv au sein du groupe et
plombe de nouveau le moral. Sortirons-nous un jour de cette
crise ? Car au-delà des efforts propres aux compagnies, l'avenir
du transport aérien est en grande partie dans les mains des
politiques. L'économie globalisée impose un rééquilibrage entre
régions qui dépasse largement « le rôle » du salarié mais impacte
grandement ses conditions de travail, sa rémunération et plus
largement l'avenir de son emploi.PerformBOTTOM UP, NEW DEAL, la démocratie participative se dote de
jolis noms? Mais il ne faut pas oublier les organisations syndicales
nouvellement élues et le taux de participation doit interpeller l'entreprise.
Les PNC ont voté à 75 %, ce qui doit faire pâlir d'envie nos
politiques malheureusement habitués à une abstention grandissante
mais parfois recherchée? C'est donc un message fort qui doit faire réfléchir. L'implication
dans la vie de l'entreprise est réelle et corrobore l'attachement
connu des PNC pour Air France et leur métier. Cela manifeste
également la confiance que les PNC portent à leurs représentants.
Et cela est crucial. La lourdeur des plans et surtout la
longue période difficile que nous traversons auraient pu se
traduire par une forme de résignation. Loin s'en faut, la
confiance est là, les organisations syndicales, tout comme les
parlementaires au niveau national, sont mandatés pour écrire,
négocier « les lois » de l'entreprise. Maintenant la direction doit
s'atteler avec ces partenaires sociaux à créer une politique
sociale, garantissant la paix interne et l'essor de l'entreprise, ce
qui va souvent de pair?Le nouveau plan PERFORM, depuis longtemps annoncé mais
d'une ampleur conséquente compte-tenu de la réalité économique
et du paysage concurrentiel, doit être discuté selon la
volonté de l'entreprise. Si une très grande majorité de salariés a
compris la complexité et les enjeux de notre secteur d'activité,
elle a du mal à cerner l'orientation voulue, ne voyant qu'une succession
de PDV, ce qui peut difficilement emporter adhésion.
Certes, la montée en charge de Transavia France et la ré-
organisation du point à point sous la houlette de HOP !
Air France sont des projets d'envergure pour redonner du poids
au Groupe et reprendre des parts de marché. Mais Transavia
ne génère pas d'emplois au sein de la maison mère Air France,
quant à HOP ! Air France, l'inquiétude des salariés des quatre
entités est bien réelle. Le manque de visibilité sur leur emploi et
les conditions dans lesquelles ils pourront continuer à l'exercer
attise leur crainte. Le long courrier se débat dans une jungle
concurrentielle extrême et affiche une profitabilité sur la moitié
des lignes. La problématique de recette unitaire mise à mal
perdure et seule la baisse de l'or noir permet de la compenser.
Cependant cette même baisse influe sur la recette, on tourne
en rond? L'exercice est donc laborieux.La recherche d'une meilleure structure financière est une exigence
comprise par tous. Cependant la montée en gamme
des services, moyens et long-courriers, nécessite avant tout
l'adhésion des PNC, c'est incontournable. Il s'agit encore une
fois de trouver l'équilibre. L'acceptation a ses limites, et le
découragement peut altérer les efforts déjà fournis. N'allons pas
créer de tensions supplémentaires porteuses de stress et de
rejet. La sérénité doit l'emporter, grâce à la transparence et aux
respects des engagements. C'est la seule façon de construire
une politique durable tant pour les salariés que pour la sécurité
et la qualité de service que nous devons à nos passagers. Il
va sans dire que cette politique doit s'accompagner du
respect des différents métiers au sein de l'entreprise et
du groupe?GouvernanceSuite au départ de Monsieur Bruno MATHEU, un poste d'administrateur
restait vacant. Souhaitant renforcer la notion de
groupe AF-KL au sein du conseil d'administration, le Président
Frédéric GAGEY a proposé la cooptation de Monsieur Pieter
BOOTSMA, directeur de la stratégie commerciale AF-KL au
niveau de la holding.Lors de l'Assemblée Générale d'AF-KL du 21 mai, le mandat
d'Alexandre de JUNIAC, PDG d'AF-KL, arrive à échéance. Le
comité de nomination du Conseil d'Administration d'AF-KL a
proposé son renouvellement. Celui-ci a été approuvé par le
Conseil d'Administration du groupe. La résolution sera donc
soumise au vote des actionnaires, seuls décideurs. Période sensible, la nomination, reconduction d'un dirigeant
suscite toujours l'intérêt des médias ; Principalement dans une
entreprise en difficulté. Et on peut dire que nous avons été gâtés !Une nouvelle fois, les salariés ont donc assisté à une véritable
saga où déclarations et rebondissements se sont succédé.
Côté hollandais, l'épisode du CASH POOLING (trésorerie centralisée
au niveau du groupe) avait provoqué chez KLM une
forte exaspération à l'égard d'Air France accusée de tous les
maux. Le débat aux Pays-Bas s'est déplacé au niveau politique,
Parlement, Ministère, occasionnant un « french bashing » (campagne
de dénigrement) associé à un fort patriotisme hollandais.
Autant nous pourrions prendre exemple sur cet élan patriotique
et sur la défense de notre compagnie porte-drapeau*, autant
nous pourrions nous passer de cette image négative entretenue
entre compagnies et salariés dont le sort est lié. Les difficultés récurrentes que nous subissons mériteraient une
autre gestion du groupe : AF-KLM et la holding « maison mère ».
Et cela passe indéniablement par une gouvernance qui donne
le ton, et qui par sa stratégie claire, porteuse d'avenir et sa
vision commune entraîne l'ensemble des salariés. à défaut,
la méfiance et le rejet de l'autre ne pourront qu'envenimer les
relations mais surtout porter préjudice à l'avenir du groupe et
handicaper sérieusement le rôle qu'il entend jouer en tant que
major européen dans le futur paysage aérien. La confusion reste totale sur le pilotage au sein du groupe AF-KL,
et engendre un fort désintérêt. Il semble nécessaire de clarifier
les rôles et la structure des différentes entités qui la compose.
L'exemple doit venir de nos équipes dirigeantes, de l'ensemble
des managers/cadres en véhiculant une véritable culture de
groupe Européen et bannir enfin toute forme de clivage. Ainsi, la
gouvernance à « trois têtes » (Holding/Air France/KLM)
doit être comprise pour inspirer confiance à chacun des
100 000 salariés du groupe. Pour cela nos dirigeants
doivent donner l'impulsion et faire résonner la notion
de groupe au sein des deux filiales aériennes au travers
d'une cohésion forte. Autrement dit, et dans un langage actuel,
il s'agirait d'utiliser la méthode TOP DOWN? *Propos d'un patron de compagnie aérienne étrangère :
« Que voulez-vous, notre développement s'appuie sur votre
capacité nationale à repousser tout ce qui est français » : à
méditer?Politique du transport aérienJamais la chaîne de l'aérien n'a autant été sur le devant de
la scène. Privatisations d'aéroports, taxes et redevances aéroportuaires,
bras de fer avec ADP, droits de trafic, concurrence
déloyale : ces sujets font la une de la presse spécialisée et
c'est une bonne chose. La conscience politique va-t-elle enfin
s'éveiller sur le sort du transport aérien français et européen ?En France le débat se poursuit et le Député Bruno Le Roux,
auteur d'un rapport sur la compétitivité du transport aérien
français, s'en charge. Il est appuyé par le CIS (Collectif Inter
Syndical) .Si les solutions sont encore loin, les maux ont été
posés : il est urgent de concilier les intérêts de tous les acteurs
et la coopération doit être le maître-mot. L'aérien doit penser
autrement. Même EASYJET, aux comptes florissants, s'insurge
des pratiques d'ADP? L'État, tiraillé entre plusieurs courants et
intérêts divergeants, semble coincer dans une problématique
financière et politique. Un premier pas a été franchi avec le
vote, dans la loi de finances rectificatives 2014, de l'abolition
de la taxe de l'aviation civile pour les passagers en correspondance,
mesure préconisée dans le rapport LE ROUX. Comme
souligné par le secrétaire d'État aux transports, Paris retrouve
le même niveau de taxation que ses concurrents directs.
Bénéfique pour le couple Compagnies-Aéroports en attirant
une clientèle qui transitait auparavant par d'autres plateformes,
cette décision prouve le bienfondé d'une réflexion commune
favorable au transport aérien français dans sa globalité. Concernant les compagnies du Golfe, l'entrée dans la danse
des compagnies américaines mérite d'être saluée. Pourtant à
l'origine de la dérèglementation du transport aérien, les ÉtatsUnis
sont peu enclins à se faire marcher sur les pieds en termes
de concurrence? D'où une forte réaction des 3 grandes majors
à l'arrivée des mastodontes du Golfe sur leur territoire, validant
ainsi les craintes de leurs homologues européennes. Les compagnies
asiatiques montent aussi au créneau, menacées dans
leur région au plus fort potentiel de croissance. La rébellion
deviendrait-elle mondiale ? Malheureusement non et l'Europe
ne brille pas par son unité. Quelques frondeurs, (c'est à
la mode), se distinguent et préfèrent quitter l'Association
Européenne des Compagnies aériennes, jugeant la démarche
contraire à la libre concurrence !... L'actualité hexagonale suite
à la vente de Rafale au Qatar suscite de nombreuses réactions
légitimes. Le transport aérien ne peut se permettre d'être
sacrifié et servir de monnaie d'échange économique. Cela
démontre bien l'urgence de penser long terme et d'ouvrir
les yeux sur un paysage transformé.Marie RAMON
Administrateur élue, PNC