lettre intersyndicale au premier ministre
AIR FRANCE, le personnel à boutMonsieur le Premier Ministre,L'ensemble des organisations syndicales d'Air France signataires du présent courrier s'unit
aujourd'hui dans une démarche commune qu'elles veulent solennelle après une série de
décisions prises dans les derniers mois par votre gouvernement, qui placent les compagnies
aériennes françaises, en premier lieu Air France, dans une situation délicate au regard de
leur situation économique et de la concurrence internationale à laquelle elles doivent faire
face. La finalisation par l'État des modalités du CRE3, qui est le contrat de régulation d'aéroports
de Paris sur la période 2016-2020, l'annonce de l'octroi de nouveaux droits de trafic aux
compagnies du Moyen-Orient cet été et le désintérêt vis-à-vis des conclusions du rapport Le
Roux conduisent selon nous à condamner à brève échéance notre compagnie en la plaçant
dans des conditions de concurrence insupportable.Parallèlement à ces arbitrages, le gouvernement acte néanmoins, pour partie, du constat
partagé de profondes distorsions de concurrence existant dans le domaine du Transport
Aérien. Pourtant dans les faits, les actions restent très en-deçà des espoirs que les salariés
d'Air France avaient placés dans un soutien franc et massif des pouvoirs publics inspiré des
conclusions du rapport du groupe de travail COMPÉTITIVITÉ DU TRANSPORT AÉRIEN
FRANÇAIS présidé par M. Bruno Le Roux. De fait, ces mêmes salariés se sentent les otages de ces décisions, de ces choix de la
puissance publique qui privilégient ADP ou d'autres intérêts comme ce fut le cas s'agissant
des conditions d'exploitation de lignes au départ et à destination de la métropole offertes aux
opérateurs du Moyen-Orient afin de les remercier ou de les convaincre d'acquérir des
appareils Airbus, voire des avions de chasse français, tout cela au détriment d'Air France.Le personnel d'Air France considère, fort de la qualité de service que les passagers lui
reconnaissent et alors que la France reste une terre d'élection extrêmement prisée pour
85 millions de voyageurs chaque année, qu'il y a une place pour un opérateur offrant un
haut rapport qualité-prix en rapport avec l'image que l'on souhaite donner de notre pays, que
cet opérateur doit fonder son succès sur le collectif de travail et non contre celui-ci. Pour se
faire, il doit être convaincu que la Direction générale autant que les pouvoirs publics
partagent cet attachement à une industrie du Transport Aérien Français stratégique. Or, après des années (nous devrions écrire des décennies?) d'efforts exigés à l'occasion
de chacun des plans économiques élaborés par les Directions générales d'Air France
successives, c'est aujourd'hui le plan Perform 2020 qui est d'actualité.
D'une part, avant même que les négociations de ce dernier plan n'aient débuté,
MM. de Juniac et Gagey, respectivement PDG d'Air France-KLM et d'Air France, menacent
déjà les salariés de licenciements et de réductions conséquentes de la flotte si les objectifs
de ce nouveau plan ne sont pas atteints. Comment peut-on prétendre instaurer un dialogue
social apaisé et des négociations constructives avec de tels préalables ?
D'autres part, les difficultés du Groupe ne relèvent d'évidence pas majoritairement des
conditions salariales de ses personnels mais, outre des décisions managériales incertaines,
plutôt des choix opérés par la puissance publique depuis des décennies comme le démontre
le rapport Le Roux. En outre, les difficultés rencontrées par le Groupe Air France, malgré un attachement très
fort des passagers à ce fleuron industriel qui se traduit par des taux de remplissages
historiquement hauts et ce malgré un contexte concurrentiel extrêmement agressif, voire
déloyal, sont de fait attribuées au personnel que la littérature directoriale présente
constamment et délibérément comme responsable de la situation : pas assez productif, pas
assez flexible ou trop rémunéré.
Au demeurant, il nous paraît étonnant que l'actionnaire majoritaire qu'est l'État puisse
cautionner une politique basée sur le désinvestissement, les délocalisations et les
suppressions d'emplois comme semble l'envisager la Direction d'Air France. À ce jour, alors que le niveau de défiance des salariés envers les projets de la
Direction générale a atteint son paroxysme, alors que votre gouvernement n'a
toujours pas pris ses responsabilités pour rééquilibrer un tant soit peu une
concurrence « non libre et faussée », et après que nous vous avons alerté courant
juillet dernier par voie de communiqué de presse que nous n'en resterions pas là si le
démantèlement de notre entreprise était toujours d'actualité. Nous, organisations
syndicales d'Air France, attendons que cessent enfin les attaques et les menaces contre
les contrats sociaux et l'emploi. Nous attendons de vous, Monsieur le (Premier) Ministre,
que vous pesiez de tout votre poids pour faire que le professionnalisme, le savoir-faire et
l'expertise des salariés d'Air France soient enfin mis au c?ur des projets industriels et non
plus considérés comme des obstacles.Ainsi nous vous demandons :Un gel des arbitrages défavorables concernant les droits de trafic qui semblent avoir
été accordés aux compagnies du Golfe. Un gel de l'arbitrage concernant les redevances ADP.
Un arrêt de la caution gouvernementale à la politique d'attrition et de licenciements
engagée par la Direction générale d'Air France.
Une réunion de concertation avec le gouvernement pour parler de l'avenir d'AF. Vous remerciant de la lecture attentive de notre courrier et dans l'espoir que vous voudrez
bien reconsidérer votre politique à l'égard du Transport Aérien Français et nous recevoir, Nous vous prions de recevoir, Monsieur le Premier Ministre, l'assurance de notre
respectueuse considération.Les Bureaux